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- faux équipée d'une griffe pour rabattre le blé |
- faucheuse équipée d'une "javelleuse"
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- moissonneuse-lieuse
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Avant les moissons, on préparait les liens qui servaient à maintenir les javelles pour confectionner les gerbes. Ceux-ci en bois de châtaignier trempaient dans le bassin du village.
A l'une des extrémités, on lui donnait la forme d'une boucle et à l'autre, on nouait, avec beaucoup d'art, une "poignée" de paille de seigle. Le lien était posé sur le sol, et les "javelles" s'entassaient bien au milieu alternativement, un épi d'un côté puis de l'autre. Un homme les maintenait pour "monter" la gerbe. Il avait mis un tablier épais pour protéger son pantalon de travail contre les risques d'accrocs.
Lorsque la gerbe était jugée assez grosse, on prenait le lien posé à terre et une seconde personne aidait à passer la paille dans la boucle (après avoir tassé au maximum les javelles) par un bon coup de genou et effectuait un nœud solide pour le transport.
Les gerbes étaient mises debout pour le séchage en attendant d'être chargées.
Les gerbes sont chargées dans la voiture à échelle : 4 dans le fond, 2 fois 4 en dessus, attachées par 4 cordes.
Elles étaient engrangées à l'abri en attendant la batteuse dans la deuxième quinzaine de septembre.
Entre temps avait lieu la bénédiction des récoltes et de la maison. Monsieur le Curé passait de maison en maison, accompagné d'un enfant de chœur et entrait dans la grange, lisait la prière et aspergeait d'eau bénite.
On avait pris soin de balayer l'intérieur et l'extérieur et les femmes "en tenue des dimanches" accueillaient le prêtre avec le cierge à la main.
La fête était grande pour les enfants tant ce jour était attendu : on manquait de loisirs à cette époque ! et les distractions étaient rares ! ..
Dans la ferme qui "recevait" la batteuse, chacun avait sont travail. Les hommes préparaient l'endroit où stationneraient batteuse et tracteur, ainsi qu le grenier où le coffre à grain dans lequel serait stocké le grain : blé, avoine, orge.
Les femmes vérifiaient les sacs destinés à recevoir le blé sortant directement de la batteuse. Pour cela, elles les raccommodaient avec du raphia, ou remettaient des pièces lorsque les trous étaient trop importants.
De plus, le casse-croûte du matin ou les 4 heures, le repas de midi ou du soir étaient leur plus lourd travail. Les tablées étaient grandes !
C'était un jour de grande activité et d'énervement, mais aussi une période de grande solidarité car on se rendait le service de maison en maison.
Une fois la batteuse arrivée, il fallait la placer au bon endroit de façon à ce que l'aplomb soit parfait. La batteuse était entraînée par une grande courroie reliée à la poulie du tracteur. A certains endroits, la batteuse fermait complètement chemin vicinal, mais c'était la priorité. A cette époque le trafic automobile était pratiquement inexistant.
Lorsque le tracteur démarrait dans le bruit et les soubresauts bien caractéristiques de son moteur, toute la machinerie se mettait en "route, ou en branle".
Après quelques vérifications d'usage, le travail pouvait commencer. Les sacs étaient fixés à l'arrière de la batteuse à chaque sortie de grains. Une douzaine d'hommes était nécessaire pour les différentes opérations, mouchoir de travail noué autour du cou pour éviter le picotement des poussières.
Les uns montaient les gerbes sur la batteuse, à dos, par une échelle, les autres "enlevaient et rangeaient" les bottes de paille au fur et à mesure de leur sortie. Cette paille servait de litière. Les plus forts transportaient les sacs de grains sur l'épaule : 100 kg et quelquefois plus ! Les plus jeunes travaillaient sur la batteuse "le pont"présentant à l'engreneur : javelle par javelle, les épis en premier, le blé, l'avoine ou l'orge.
Suivant les saisons et le degré d'humidité de la paille, le battage se faisait dans une poussière épaisse et tenace. Les poumons bien encombrés et les gosiers bien secs étaient "soignés" au vin de Sevrier qui en plus de ses vertus thérapeutiques assurait des fins de journée euphoriques !
La balle du blé " la peuffe " tombait par terre et une personne (quelquefois une femme) la rassemblait dans de grands carrés de toile "les tapets" et l'emmenait sur son dos, pour la stocker dans la grange. Cette "peuffe" servait de litière. Elle était aussi mélangée aux betteraves râpées que l'on donnait aux vaches durant l'hiver.
Le travail terminé, la batteuse s'installait de nouveau, de maison en maison.
La batteuse et le tracteur appartenaient à des entrepreneurs. La mise en service de la batteuse exigeait beaucoup de main-d'œuvre que seules l'entre aide et la solidarité permettaient de rassembler. Le progrès aidant, ces entrepreneurs dans les années 1960, ont petit à petit remplacé leur batteuse par des moissonneuses-batteuses.
Pour ceux qui ont vécu ces périodes, seul le souvenir redonnera l'atmosphère de ces moments rudes dans une ambiance rieuse, de ces odeurs de paille mêlée à celle de la poussière et du gas-oil, sans oublier les parfums de la cuisine mijotée, au moment de se mettre à table.
Auteur de ce récit : Jeannot Lyonnaz, Septembre 2008
Rédaction : Monique LAMY
Illustration : André PERROT |