les coupes de bois
  • Les coupes de bois, grands travaux de la fin d'automne et de l'hiver.

Jusqu'à la décennie 1950-1960, le bois était le seul combustible utilisé dans les fermes pour le chauffage. Le chauffage central était l'exception et le réchaud à gaz n'est devenu un équipement courant dans les cuisines qu'après les années 1950.

 

Faire des provisions de bois constituait un des grands travaux de la fin d'automne et de l'hiver, bois que l'on mettait à sécher durant deux ou trois ans en "mattes" sous les avant-toits des maisons et des granges et sous les balcons ou montées d'escalier en prenant soin de bien aligner les bûches.

 

Dès la mi-novembre, après la rentrée des récoltes et durant tout l'hiver on "allait au bois" ou on "faisait du bois" selon l'expression courante.

 

Chaque famille possédait des parcelles dans la montagne du Semnoz.

 

Les châtaigniers et les résineux occupaient le piedmont. Au-dessus, dans le versant en forte pente et jusqu'à la crête, les "taillis" peuplés principalement de chênes, de fayards (hêtres) et plus rarement de tilleuls, frênes, charmes et érables, étaient divisés en de nombreuses parcelles de superficies très variables : de quelques centaines de m2 à plus d'une dizaine d'hectares.

 

En raison de la pénibilité du travail, l'exploitation du bois était une affaire d'hommes, mais pendant la grande guerre 1914-1918, les femmes ont été mises à contribution.

 

Une expression coutumière illustre cette pénibilité. "Le bois réchauffe quatre fois : la première lorsqu'on le coupe, la seconde pour le transporter, la troisième lorsqu'on le fend et on le scie et la quatrième lorsqu'il brûle".

  • une journée au bois

Après la traite des vaches le matin et les soins aux bêtes on rassemblait et vérifiait les outils (haches, scies, coins en bois ou en métal, limes à aiguiser, etc. …

La maîtresse de maison préparait un copieux casse-croûte : pain, tranches de lard, saucisses, pâtes ou soupe à réchauffer dans un bidon, et bien sûr la tomme, quelques noix ou pommes, sans oublier le "botollion" de vin et la fiole de "goutte" ou "gnole" (eau de vie), le tout contenu dans un sac tyrolien et une ou deux musettes.

 

L'exploitation du bois en pied de montagne ne présentait pas de difficulté majeure compte-tenu de la pente modérée et de l'accès facile. Il n'en n'était pas de même pour les taillis dans le versant en forte pente et très rocheux. L'accès au lieu de coupe pouvait être acrobatique avec les outils portés sur l'épaule ou à bout de bras.

 

La forte déclivité et la présence de rochers rendaient la coupe difficile et pénible. De plus, le bois poussé sur un sol rocheux, particulièrement le chêne, était très dur et les coups de hache devaient être précis pour ne pas heurter les pierres. Enfin, difficulté supplémentaire, l'entaille de coupe se situait à quelques centimètres du sol.

 

Après une matinée de ce labeur harassant, l'heure du casse-croûte était la bienvenue. Auparavant, on avait allumé un feu pour réchauffer le bidon de soupe ou de pâtes. Les tranches de lard, les saucisses et la tomme avaient une saveur particulière qui les rendait encore plus appétissantes qu'à la maison. Ce frugal repas, mais oh ! combien apprécié, se terminait par un petit coup de "gnole", gnole utilisée également en guise de désinfectant en cas de blessure.

 

L'après-midi, soit la coupe continuait, soit on rassemblait les arbres coupés pour les acheminer vers le "jet", c'est-à-dire le couloir où on les faisait glisser. L'opération n'était pas de tout repos, car les arbres, souvent tordus, surtout les chênes, se bloquaient sur les rochers. Il fallait veiller à ne pas se faire heurter et entraîner par les bois. Lorsque le terrain s'y prêtait et dans les "jets" les plus commodes, on rassemblait plusieurs billes de bois attachées avec une chaîne. C'était faire une "traîne". Plusieurs "traînes" pouvaient être faites dans la journée. Les remontées et les descentes successives dans le couloir représentaient un effort physique important, comparable aux exploits sportifs d'aujourd'hui.

 

Une fois la coupe terminée et rassemblée au pied du "jet", on utilisait le cheval pour le débardage final jusqu'à la route ou la piste forestière.

 

L'exploitation du bois sur les parcelles sises sur le plateau sommital était beaucoup plus facile. Par contre, l'éloignement était important car les attelages tirés par les chevaux empruntaient l'ancienne route d'Annecy et la route du Semnoz, soit une distance de 12 à 15 kms selon le site de coupe. Un voyage de bois demandait une journée.

  • les coupes affouagères :

Dans la forêt communale ("les communaux"), des coupes de bois pouvaient être délivrées aux particuliers ou groupements de particuliers résidant dans la commune, moyennant le versement d'une petite contribution.

Ces coupes effectuées sous le contrôle du Service des Eaux et Forêts ont été pratiquées fréquemment jusqu'à la fin de la guerre 1939-1945. Depuis, elles sont devenues exceptionnelles. Elles permettaient aux habitants de se procurer du bois de chauffage à moindre frais.

L'exploitation sous forme collective, placée sous la responsabilité d'une ou deux personnes garantes de la bonne exécution, constituait une occasion de rencontre et d'entraide mutuelle. Le produit des coupes était divisé par lots, attribués par tirage au sort. Il y avait bien entendu quelques déçus, selon la nature des lots, mais chacun acceptait les règles d'attribution.

  • les fascines

Les branches des arbres abattus n'étaient pas abandonnée sur place comme c'est le cas actuellement. Elles étaient rassemblées et conditionnées en "fascines" (ou fagots). Avant l'apparition des réchauds ou cuisinières à gaz, équipements devenus courants dans la décennie 1950-1960, le petit bois servait à allumer rapidement un feu en toutes occasions, y compris hors période de chauffage.

  • les outils et autres matériels

Avant l'apparition des tronçonneuses dans la décennie 1950-1960, les principaux outils utilisés étaient les suivants : 

- Hache à couper au tranchant fin et large,

- Hache à ébrancher,

- Hache à fendre au tranchant de fente plus épais,

 

"golliet" (ou serpe) pour couper le petit bois,

 

"sapi" (ou pic) dont on se servait pour remuer les troncs, soit en faisant levier avec le manche, soit en fichant la pointe de l'outil dans le bois.

 

Les "lanvalles" : sorte de coins en fer pourvus à la tête d'une boucle ou d'un trou pour le passage d'une chaîne ou d'une corde. Elles étaient utilisées pour faire les "traînes".

 

"Trosci" (passe-partout) : scie de grande longueur pourvue aux deux extrémités d'une poignée. Le "trosci" servait à scier les arbres de gros diamètre pour l'abattage et pour débiter les troncs.

 

Tous ces outils étaient fabriqués par des artisans locaux "les taillandiers"(1)

  • les câbles

A l'occasion de coupes importantes, notamment durant la guerre 1939-1945 et l'immédiat après-guerre, des exploitants forestiers ont installé des câbles pour la descente des bois. Quelques particuliers ont également utilisé ce moyen.

 

Auteur de ce récit : Jeannot Lyonnaz, Septembre 2008

Rédaction : Monique  LAMY

Illustration : André PERROT

 

(1) Le taillandier est un forgeron qui travaille en finesse. Il a en charge la production de tout ce qui est tranchant, de ce que l'on appelle les outils à taillants. Il travaille l'acier, en utilisant la forge pour chauffer le métal, ainsi qu'une gamme de marteaux et de pinces de forge.